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La légendaire mosquée de tinmel défie le temps




9 siècles après sa construction, le monument défie le temps. Classé par l'UNESCO au patrimoine mondial de l'humanité, il a fait l'objet de la plus grande restauration de son histoire. Le projet de couverture de la salle de prière par un toit est à l'ordre du jour.

A une centaine de kilomètres de Marrakech sur la route nationale 203, l'ancienne route de Taroudant, difficile de ne pas s'arrêter une fois après avoir entamé l'ascension du col du Tizi n'Test, pour visiter un monument de l'histoire du Maroc : La mosquée de Tinmel (Tinml qui signifie "école" en tamazight).
Neuf siècles après sa construction en 1153 par le sultan almohade Abd al-Moumen Ibn Ali, elle s'impose au voyageur. Fin 2017, il y a peu de neige sur les sommets, mais un froid glacial enveloppe toute cette partie du Haut Atlas.

La légendaire mosquée se trouve à une dizaine de kilomètres de Talat N'yacoub, la ville la plus proche. Accroché au flanc d'une colline, le bâtiment est bien visible à l'œil nu sur la route, avec sa couleur terre claire, ses minuscules dômes et, au milieu, un minaret, ou du moins ce qu'il en reste.
Ce dernier rappelle sa jumelle, la tour Hassan à Rabat, mais aussi celles de la Koutoubia à Marrakech (fondée en 1162) et de la Giralda à Séville (construite en 1195) ; cette dernière, une ancienne mosquée transformée en cathédrale après la reconquête, a été construite, comme les autres, sous le règne des Almohades. Si la tête de la tour Hassan (construite en 1196) a disparu, ou n'a jamais été achevée selon certains historiens, il ne reste que la moitié inférieure de la tour Tinmel, l'autre moitié ayant été décimée.



De plus, l'ensemble du bâtiment a été stupéfiant jusqu'à la fin du XXe siècle, et avec lui, une partie lumineuse de l'histoire et de l'architecture des terres de l'Islam occidental. Christine Daure Serfaty évoque dans son livre, "La femme d'Ijoukak", un épisode de cette décadence dont elle a été témoin, enfant, en voyageant avec ses parents dans cette région des goundafas. Jusque dans les années 1960 et 1970, écrit-elle, "il n'y avait à Tinmel que des ruines, des morceaux de murs poncés par le temps, et les restes de la mosquée almohade - une construction massive, qui semblait solide de loin, mais si usé, si fragile quand on s'en approche. En vérité, il semblait à mi-chemin entre l'existence et le néant ; on ne pouvait s'empêcher de penser que bientôt il n'y aurait plus rien. C'est ce à quoi nous avons toujours pensé, Tinmel.

À la fin de 2017, il reste encore quelque chose de cette mosquée et bien plus encore. En tout cas, nous sommes loin de la désolation décrite par le romancier : la mosquée a retrouvé ses couleurs. Elle est même devenue un site populaire pour les touristes internationaux, et pour les historiens et autres archéologues qui viennent interroger le bâtiment pour en savoir plus sur ce trésor.



Sur le site, après avoir parcouru un petit kilomètre séparant la route principale du bâtiment, nous sommes reçus par Youssef Filali, le gardien de la mosquée. 37 ans, silhouette frêle, il joue le rôle du conservateur sans en être un, qui connaît l'histoire du bâtiment car il a lui-même étudié la matière à l'université Cadi Ayyad de Marrakech. Il y officie depuis 2010 après avoir succédé à son père, qui est parti s'occuper du bassin de la Menara.

Pendant que nous nous promenons dans les arcades, les colonnades et autres chapiteaux de la mosquée, Youssef nous informe de certaines aventures de l'ascension de la dynastie almohade au milieu du 12ème siècle, sous la direction spirituelle de Mahdi Ibn Toumert. C'est à partir de ce village de Tinmel, que le fondateur de la dynastie et son bras droit, Abd al-Moumen Ibn Ali, sont partis en guerre contre les armées des Almoravides, et ont poursuivi leurs conquêtes jusqu'au califat de Grenade.

La mosquée et ses nefs sont maintenant ouvertes sur le ciel, sans toit, qui a disparu dans des circonstances peu claires. Au milieu de la cour se trouvent les restes d'une fontaine où les fidèles faisaient leurs ablutions. En écoutant les explications de Youssef, notre guide, nous apprécions les transformations que la mosquée a subies depuis 1994 après sa restauration.
De nombreux piliers n'ont pas été touchés et conservent encore des traces de l'architecture florale et de la décoration géométrique d'origine, mais d'autres ont été restaurés.

ont été entièrement rénovées.  "Ce bâtiment était à l'image de ses fondateurs, avec une architecture simple et sobre, d'ailleurs il s'appelait, à l'époque, la Mosquée blanche, car il n'y avait pas de trace de peinture. Les fondateurs de la dynastie almohade prêchaient la pureté et le naturel et chassaient les artifices qui nuisaient à la nature pure", glisse notre "conservateur".
Les chapiteaux de la mosquée et leurs gravures n'ont pas été touchés non plus, ou très légèrement. Dans le très beau livre "Tinmel, l'épopée almohade", publié par la Fondation ONA juste après la restauration du site en 1994, nous lisons à propos de ces tentes : "Elles sont l'une des leçons majeures de l'oratoire de Tinmel. Certains chercheurs l'ont décrit comme "l'ornement le plus riche".



Leur emplacement, leur variété et leur décoration seront une source d'inspiration pour de nombreux monuments. Ainsi, tout au long de cette décoration, qu'elle soit florale (palmes, palmettes, fleurons, entrelacs) ou géométrique, tout deviendra une référence pour l'avenir du monde musulman d'Occident".

Le bois utilisé est également original. "C'est du cèdre", selon notre guide, "apporté du Moyen Atlas". Une information à prendre avec précaution, nous chuchote Hammadi Bennani, propriétaire de Event Arogou, une agence spécialisée dans les randonnées à thème. Il nous a accompagnés durant ce voyage pour le besoin de ses recherches sur l'histoire des tribus amazighes, en préparation d'une de ses excursions culturelles dans la région.

Il est passionné par les monuments du Maroc. Le bois, à profusion, est en effet juste à côté, nous avons même croisé quelques spécimens de cèdres centenaires sur notre chemin. "Pourquoi aller jusqu'au Moyen Atlas pour le transporter ici, et par quel moyen de transport d'ailleurs", demande notre ami. Les dômes de la mosquée ont également conservé leur originalité.

"De véritables dômes almohades", poursuit notre interlocuteur, avec des gravures où le nom "Allah" est inscrit à plusieurs endroits. De même pour les gravures sur les arcades et les chapiteaux, la restauration ne les a pas affectés. Les ouvriers ayant brossé ces travaux, les constructeurs sont allés les chercher, pour la plupart,

de l'Andalousie musulmane, qui à l'époque était pleine d'artisans de confession juive réputés être des artistes doués dans ce domaine.
Outre l'architecture musulmane, on peut également déchiffrer l'architecture juive et chrétienne : côte à côte, gravés sur du bois ou du plâtre, outre le nom "Allah", on peut voir l'étoile David et des dessins qui nous rappellent la cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle. Seul l'œil vigilant peut les percevoir.

Pour mieux préserver l'architecture de la mosquée, et ses décorations, une nouvelle transformation est envisagée, elle concernera notamment la construction d'un toit. Une commission de spécialistes a récemment été envoyée sur place pour étudier sa faisabilité. Mais l'édifice, fondé au XIIe siècle après J.-C., est loin d'avoir livré tous ses secrets.

Plusieurs sultans de la dynastie almohade, dont Ibn Toumert, auraient été enterrés dans un cimetière adjacent à la mosquée, dont il ne reste aucune trace. La mosquée aurait également abrité une riche bibliothèque et une cave au sous-sol, selon certains historiens qui ont travaillé au XVIIe siècle sur les structures sociales et tribales du Haut Atlas et qui se sont référés de manière subsidiaire à la mosquée de Tinmel dans leur travail.

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